Victor PETRICOLA

Bonjour à tous. Je suis né en 1942 et réside toujours à Somain, dans le Nord.
En décembre 1956, j'ai eu un grave accident de chemin de fer qui a eu pour conséquence
l'amputation de mes deux avant bras au tiers inférieur.
Après une convalescence de 9 mois dans ma famille, je suis entré au centre de rééducation
fonctionnel des Mesnuls le 7 septembre 1957 pour y apprendre un métier et plus particulièrement,
celui de comptable. Mme Nugue était mon professeur.
Parallèlement à cette formation professionnelle, je suivais des séances intensives de rééducation,
car je ne savais ni écrire, ni m'habiller.
Il fallait que j'apprenne ces gestes simples de la vie courante et j'avais souvent besoin d'être assisté.
L'entre-aide et la solidarité entre les copains était permanente.
Mon amputation étant récente, j'avais besoin d'une kinésithérapie constante. Elle représentait pour
moi une souffrance physique. Cette souffrance a duré une année ! J'oubliais volontairement parfois
de me présenter au kiné, mais il venait me chercher en cours...
La douleur de la rééducation n'était vraiment pas supportable. La mélancolie, le cafard, le mal être
m'envahissaient peu à peu...
L'éloignement de ma terre natale, de mes parents, de mon frère, de mes soeurs me pesait :
j'avais 14 ans à l'époque.

Le premier jour, le 7 septembre 1957, quand j'ai mis les pieds au centre, la première personne
que j'ai rencontrée a été le directeur, M. COUSSET. Ensuite, un moniteur exceptionnel que je
n'oublierai jamais, Gérard DIMEO, m'a pris en charge.
Ma réussite, je la lui dois. Sans lui, je n'aurais pas pu m'accomplir pleinement, ou la période
d'adaptation aurait duré beaucoup plus longtemps.
J'étais en quelque sorte son double, car comme moi, il était amputé des deux avant bras.
J'essayais de reproduire tout ce qu'il faisait. J'ai appris tant de choses ! M'habiller, me déshabiller,
me laver, écrire... ces gestes de tout un chacun, si facile à faire quand on a ses deux bras...
J'ai appris à jouer au ping pong, au billard, à bêcher, à terrasser. Je n'avais d'yeux que pour Gérard,
à tel point qu'il m'avait surnommé  "la glue". Il faut comprendre qu'à cet âge, j'étais désemparé et meurtri.
Je me sentais abandonné, orphelin. Il fallait bien que je me raccroche à quelqu'un. Il était devenu mon mentor.
Quand nous étions face à face, je me voyais comme dans un miroir.

Le centre de rééducation des Mesnuls représentait pour moi une vie sans souci. Je ne me posais pas
de question et ne pensais pas aux lendemains. On se  laissait vivre. Beaucoup d'animations nous étaient
proposées et la camaraderie prédominait car nous étions si l'on peut dire embarqués sur le même bateau.

Une autre personne m'a marqué de son empreinte. L'artiste de l'établissement : Paul Leplattonier.
Il m'a appris le dessin, à faire de la gouache, à réaliser des tableaux. Je me souviens que dans son atelier,
le jeudi matin, c'était le calme, propice à l'inspiration . On  se concentrait sur le travail à réaliser.
J'allais me ressourcer chez lui, me détendre, discuter de la pluie ou du beau temps...
L'après midi, j'allais sur le terrain de football me dépenser sans compter, mettre mes muscles à l'épreuve.
J'avais besoin de cette dépense physique pour me construire....

Le football était donc  ma passion. Je l'ai pratiqué jusqu'à l'âge de 46 ans ! Certains anciens se
souviendront peut-être d'un match de coupe de France le 23 novembre 1963, match que nous avions
perdu de justesse par 3 buts à 2. La rencontre se passait à Choisy le Roi dans la région parisienne et
une délégation de pensionnaires du centre était venue nous supporter.
J'ai été licencié à Montfort l'Amaury de 58 à 59 en Cadet, puis de 59 à 61 en équipe première toujours
dans ce club.

De retour dans le Nord, j'ai  continué le foot dans ma région. Bien qu'ayant des sollicitions de clubs
de haut niveau, j'ai préféré rester à Somain, par reconnaissance envers certains de  ses dirigeants
qui m'avaient soutenus admirablement dans mes  moments pénibles suite à mon accident. Et puis
j'y retrouvais mes anciens camarades de classe 4 ans après mon "exil" forcé aux Mesnuls...

J'ai été marié pendant 34 ans. J'ai malheureusement perdu mon épouse en 2006. Je vis maintenant
avec ma fille unique.

Mon parcours professionnel a été le suivant. J'ai travaillé aux H.B.N.P.D.C pendant 13 ans, puis
ensuite je suis entré dans un centre d'aide par le travail (C.A.T.). J'y ai travaillé pendant 27 ans.

En retraite maintenant, je m'occupe d'un club de loisirs , "l'association des familles italiennes".

Je profite de mon texte de présentation pour donner les coordonnées aux anciens qui désireraient
entrer en contact avec moi.

Je vous embrasse tous bien cordialement

janvier 2011

Mon album photos

Adresse postale : 31 bis rue Anatole France - 59490 SOMAIN
Adresse mail : victor-petricola@hotmail.fr
Téléphone : 03 27 86 35 45

Victor est décédé le 12 janvier 2016

A Victor

C'était, avec Maurice Catin, le meilleur joueur de foot de mon époque. Quand je suis entré au centre
à l’âge de 13 ans, des rencontres de football étaient organisées entre nous. Je voulais toujours être
dans l'équipe de Victor, car c'était la garantie d'une victoire assurée...
Mais Victor ne jouait pas qu'avec nous. Il était licencié dans l'équipe de Montfort l'Amaury, où le niveau
était plus élevé. Voilà le souvenir principal que je garde de lui.
Mais une anecdote inoubliable reste gravée dans ma mémoire. A la fin d'un tournoi de foot organisé
par le curé de la paroisse des Mesnuls, l'équipe du château avait gagné le droit d'aller boire une
consommation chez « les Six fesses ». Victor, alors capitaine, avait commandé pour nous tous de la
Marie Brizard. Je buvais pour la première fois de ma vie un verre d’alcool. Ca ne s'oublie pas...

Quand il a quitté le centre, je l'ai perdu de vue. Plus de 50 ans plus tard, grâce à Internet, ce merveilleux
moyen d'information et de communication, j'ai retrouvé Victor, alors que nous habitions l'un et l'autre
à 10 kilomètres de distance…

Je suis allé plusieurs fois chez lui. Il était fier de me montrer son atelier et sa réserve d'outils de jardinage.
Sans ses avants bras, il les manipulait avec une aisance incroyable !

Son inquiétude : ne plus pouvoir assumer ces menus travaux de bricolage et de jardinage...
à cause de rhumatismes naissants…. La vie en a décidé autrement.

Victor a renoué contact avec beaucoup d'entre nous lors de nos différentes retrouvailles.
C'est avec beaucoup de regrets qu'il ne s'est pas rendu à Egletons, car des examens et autres
analyses biologiques en cours l'en ont empêché !

Ceux qui ont pu l'approcher, ont tous pu apprécier sa gentillesse, sa joie de vivre et sa
volonté d'aller toujours de l'avant.

Je tenais par ce petit mot, à lui rendre hommage personnel.

C. Hombert -  le 15 janvier 2016